2025

CarMa

Caractérisation non destructive avancée des propriétés physiques des matériaux : Vers la fusion de données


Les propriétés physiques des matériaux sont en général mesurées par des tests destructifs normalisés. Dans le cas des propriétés mécaniques par exemple, le module d’Young, la limite d’élasticité, la résistance à la traction et l’allongement à la rupture sont mesurés sur des éprouvettes normalisées (norme ASTM E8) par l’essai de traction ; la résilience est mesurée par l’essai Charpy ; la dureté est mesurée par les essais de micro-indentation Vickers, Rockwell ou Brinell. Dans le cas des propriétés
magnétiques, les pertes magnétiques ou pertes fer, la perméabilité magnétique, etc., sont mesurées en courant alternatif aux fréquences industrielles sur des éprouvettes prélevées à partir de bandes et de tôles magnétiques au moyen de dispositifs standards de caractérisation : le cadre Epstein ou le cadre à bande unique (single sheet tester en anglais).

Pouvoir mesurer ces grandeurs physiques non pas en usinant une éprouvette, mais au moyen de signaux acquis par des capteurs positionnés sur la pièce, serait une avancée scientifique et industrielle majeure. C’est la problématique à laquelle devra répondre ce projet : mettre en place une méthodologie permettant de mesurer des caractéristiques physiques d’intérêt (électromagnétiques,
mécaniques, thermophysiques, etc.) de matériaux, à partir de signaux obtenus par des techniques non destructives (ND). L’enjeu est d’étendre le domaine d’application des techniques ND à la caractérisation des propriétés physiques des matériaux. L’objectif est de participer pleinement à la maîtrise et au contrôle des matériaux métalliques pour l’énergie.


Des techniques ND basées sur des phénomènes électromagnétiques (courants de Foucault, bruit Barkhausen, etc.), acoustiques (ultrasons) ou thermique (thermographie infrarouge) ont émergé ces dernières années. Leur utilisation pour caractériser l'état d'intégrité des matériaux et des structures, que ce soit en sortie d’usine (lors du contrôle de la qualité et de la conformité des produits), en cours d'utilisation, ou dans le cadre d’opérations de maintenance, est incontournable. Très souvent, les signatures propres à ces techniques ne permettent que la détection d’une anomalie ou d’un défaut, sans en définir clairement la nature et/ou l’origine. La relation entre les signatures obtenues et les propriétés du matériau sondé reste difficile à établir car cela dépend de multiples paramètres : chimie, microstructure, état de surface du matériau, présence de contraintes internes, etc. Atteindre cet objectif requiert de connaître, pour chaque technique employée et chaque matériau inspecté (résultant d’une composition et d’un traitement thermique maîtrisés), l’impact sur la signature mesurée des différents paramètres d’entrée, séparément et simultanément. Il est très probable qu’un résultat satisfaisant ne soit atteignable qu’en combinant les données issues de plusieurs techniques. De fait, extraire les caractéristiques physiques recherchées d’une ou plusieurs signatures avec une bonne précision reste à ce jour extrêmement complexe.


Dans l’industrie, en général, les produits sont soumis à des contrôles qualité permettant de garantir que leurs propriétés physiques d’usage sont conformes aux normes en vigueur et/ou aux spécifications des clients. Dans le cas des techniques destructives, ces contrôles ne sont effectués que sur une fraction de la production. Le prélèvement des éprouvettes, la réalisation des tests, le recueil et l’analyse des données et l’émission du procès-verbal de conformité conduisent à des coûts importants (coûts financiers, immobilisation de ressources humaines et matérielles, lourdeur des essais, durée, etc.). Dans ce contexte, mettre en place une ou plusieurs méthodes de caractérisation des propriétés recherchées de façon non-destructive et rapide permettrait de contrôler 100% de la production sans perte de matière, tout en réduisant les coûts et les délais de livraison aux clients.


Dans le secteur de l’énergie, les centrales nucléaires d’EDF ont été conçues pour fonctionner en régime flexible i.e. à puissance variable. Cette flexibilité permet d’équilibrer l’offre et la demande d’électricité (absorption de la hausse de production issue des énergies renouvelables par exemple) ainsi que la fréquence du réseau. Toutefois, cette flexibilité peut conduire à une usure prématurée des matériaux et des structures. En effet, les variations de puissance se manifestent par des variations de la température de certaines parties des circuits primaire et secondaire. Selon une étude publiée par l’agence internationale de l’énergie atomique (IAEA) en 2018 sur la flexibilité des centrales nucléaires, chaque modification de l’activité d’une centrale (arrêt, redémarrage, variations de puissance) entraîne des variations de température subies par les matériaux métalliques ce qui réduit leur
résistance mécanique et peut conduire, à terme, à l’apparition de défaillances. Dans ce contexte, ce projet vise, au travers de ce partenariat avec EDF, à participer pleinement à la maîtrise et l’évaluation de ces effets en vue d’améliorer les mesures et les contrôles de sûreté des matériaux métalliques des centrales nucléaires françaises.


Par ailleurs, il convient de souligner que le dépôt de ce projet est motivé entre autres par la volonté de préparer un dépôt de projet ANR en oct. 2025.