DIFoEH
Analyse de la discrétisation des formulations de l'électro-hydro-dynamique
Les acteurs du monde des transports, qu’ils soient fabricants de voitures particulières, de transports en commun ou encore d’avions, mènent depuis quelques années une course à l’électrification de leurs véhicules. Ainsi, les évolutions successives apparues ces dernières années dans les moteurs et les actionneurs électriques ont conduit au développement de technologies très innovantes qui visent à réduire le poids et à augmenter l’efficacité́ énergétique ainsi que la fiabilité́ des véhicules. Cependant,
ces évolutions technologiques, et en particulier l’augmentation de l’amplitude et de la fréquence de découpage de la tension, imposent des fronts de tension beaucoup plus raides qu’auparavant lors de chaque commutation. Ces fronts sont alors responsables de pics de tension dont l’amplitude atteint le maximum théorique supportable par le Système d’Isolation Électrique (SIE) des bobinages. Ces contraintes mènent invariablement à l’apparition, dans l’isolation interspires de ces derniers, de décharges partielles particulièrement nocives pour la longévité de la couche isolante, et donc de la durée de vie de la machine. Aussi, il apparaît de plus en plus nécessaire de pouvoir prévoir les contraintes auxquelles le SIE de l’actionneur est soumis, ainsi que leurs conséquences, le plus finement possible et cela dès l’étape de conception de la machine.
L’objectif à long terme de ce projet est de proposer des topologies et des règles de dimensionnement de bobinages de machines électriques robustes face au phénomène de décharges partielles. Le fonctionnement d’une machine laisse apparaître trois pistes pour limiter leur apparition. La première consisterait à modifier le SIE, que ce soit au niveau des matériaux employés ou de l’épaisseur de la couche isolante. Cependant, cette piste est difficilement applicable à un contexte industriel en raison de difficultés de conception d’un conducteur non standardisé. La seconde piste consisterait à changer la source d’alimentation en jouant sur les niveaux de tension ainsi que sur la vitesse de commutation afin d’atteindre des niveaux de raideur de front (dV/dt) acceptables par le SIE. Or, les vitesses de commutation sont volontairement élevées dans un but de maximisation du rendement du convertisseur. Cette piste aura donc nécessairement un impact limité. La troisième piste consisterait à proposer de nouvelles topologies de bobinages. N’engendrant ni changement de type de conducteur ni baisse de rendement de l’ensemble convertisseur/machine, c’est cette dernière piste qui est privilégiée.
Des travaux antérieurs, comme ceux menés au Laboratoire Système Électrotechniques et Environnement (LSEE) ou dans d’autres laboratoires internationaux, ont permis de montrer la pertinence de cette approche. Cependant, ces travaux souffrent de la même limitation : l’utilisation du Seuil d’Apparition des Décharges Partielles (SADP) comme seul et unique critère de discrimination des topologies de bobinage. La littérature montre en effet que la valeur du SADP déterminée de manière empirique et sur des dispositifs normalisés (norme IEC 60034-18-41) n’est pas transposable à un bobinage de machine électrique. De plus, ce critère ne permet pas de discriminer la grande variété des phénomènes liés à l’apparition et au développement des décharges partielles.
Lever ces deux incertitudes scientifiques permettra d’atteindre l’objectif de ce projet. Pour y parvenir, il s’agira de développer un modèle plasma validé permettant de simuler le phénomène de décharges partielles dans des configurations de bobinage diverses et de prédire l’ensemble de la chaine d’évènements conduisant au claquage au-delà d’une description empirique des critères d’apparition de ce dernier.
Le phénomène de décharge partielle dans les gaz est connu depuis la fin du XIXème siècle. En 1889, Friedrich Paschen a établi une relation entre le type de gaz, sa température, sa pression et la différence de potentielle appliquée entre deux électrodes planes et le SADP. Connue sous le nom de « loi de Paschen », cette relation reste limitée aux cas mettant en oeuvre des champs uniformes. Plus tard, Loeb et Meeks ont étudié les mécanismes de développement des décharges et mis en évidence que si l’initiation d’une décharge partielle est toujours due à la présence d’un électron germe les conditions environnementales influent grandement sur le phénomène d’avalanche et donc sur son développement, voire son extinction. Dans les années 60, Pedersen propose une méthode decalcul, basée sur le critère de Schumann, permettant d’évaluer le SADP dans des champs non uniformes. Ce critère a été récemment utilisé dans le cas de bobinages de machines électriques sans pour autant se montrer d’avantage significatif par rapport à la loi de Paschen. Toutes ces approches ont en commun le fait d’être basées sur un critère empirique d’apparition de décharges partielles et souffrent donc des deux mêmes incertitudes scientifiques :
- les résultats obtenus dépendent grandement de l’évaluation de ce critère qui malheureusement
n’est pas adapté à l’étude d’un bobinage (champ non uniforme, géométrie complexe…) ; - elles se limitent à l’évaluation d’un risque d’apparition d’une décharge partielle, mais ne
permettent pas de prendre en compte l’intégralité de la chaîne phénoménologique, depuis les
conditions de leur initiation jusqu’à leur extinction en passant par leur développement.
À l’opposé de ces modèles macroscopiques – qui sont ceux systématiquement appliqués dans le domaine du génie électrique – une approche phénoménologique de reconstruction de décharges basée sur la physique des plasmas est possible. Elle repose sur la résolution numérique d’un système multi-physique d’équations électro-hydrodynamiques fortement couplées. Cette approche, dont les principes fondamentaux sont bien documentés dans la littérature, permet de modéliser tout type de décharge, de son initiation à son éventuelle extinction.
Néanmoins, différents verrous restent à lever concernant l’utilisation de cette approche pour des cas aussi complexes que les bobinages des machines électriques. Tout d’abord le caractère multi-échelle du problème, en espace comme en temps, puisqu’il s’agit de modéliser des phénomènes présentant des forts gradients localisés sur quelques micromètres dans des dispositifs de quelques centimètres, avec une discrétisation temporelle de l’ordre de la picoseconde sur un temps de développement de
l’ordre de la seconde. Ensuite, l’instabilité numérique puisque la méthode des éléments finis n’assure pas la conservation des forts gradients lors du transport des particules chargées, et est donc sujette à de fortes oscillations numériques, comme toute méthode de discrétisation appliquée à une formulation eulérienne. Enfin, et c’est sur ce point que le projet proposé se focalisera, une incertitude persistante quant à la nature des espaces de discrétisation à utiliser pour que le problème mathématique soit correctement posé.